A ce moment-là, Alizée vit un garçon un peu introverti et mal dans sa peau mais incroyablement gentil. Et elle comprit à ce moment-là pourquoi Blaise lui faisait confiance.
A ce moment-là, Zachary vit une jeune fille toujours un peu trop parfaite et un peu trop belle mais incroyablement vulnérable. Et il comprit pourquoi son frère cherchait tant à la protéger.
Ce roman est le dernier qu’il me restait à lire dans ma pile de Sarah Morant. « L’Asperge “… un bien drôle de titre… Mais après ‘Timide ‘, ‘Fragile ‘et ‘Colocs ‘, j’ai reconnu là l’accroche de Sarah Morant. Un mot, un seul et le ton de cette histoire est donné.
Dans ‘L’Asperge’, on fait la connaissance de Alizée et Blaise, des jumeaux, qui viennent de quitter Paris et d’emménager dans une petite bourgade bien plus tranquille, enfin si on omet tous les ragots qui y rythment la vie !
À leur rentrée au lycée, ils vont très vite devenir l’attraction du moment. Nouveaux, jumeaux, beaux, ils vont être très convoités… Et rapidement, ils vont faire de nouvelles connaissances. Toujours ensemble, toujours unis, l’un ne va jamais sans l’autre. Ils ont une relation très fusionnelle, se complétant parfaitement que ce soit dans leur manière d’agir l’un envers l’autre, mais aussi face aux autres. La notion de complémentarité entre eux est très forte, car il est indéniable qu’ils ne sont pas identiques, ni physiquement puisqu’ils se sont de faux jumeaux, ni sur le plan du caractère : Blaise est plutôt à l’aise en société, charmeur et blagueur, Alizée quant à elle est plutôt sur le qui-vive, réservée et peu loquace ; Blaise est le grand frère protecteur, et Alizée est… Alizée.
Alizée est une pointure en mathématiques, Alizée est physiquement magnifique, Alizée ne ment jamais, mais Alizée ne comprend pas la notion d’émotions, Alizée n’aime pas qu’on la bouscule, qu’on la touche, qu’on la réconforte physiquement, Alizée n’a pas de filtre. Il est dit qu’elle est différente… Alors, elle essaie de s’adapter à ce monde qui lui est si mystérieux, dont elle a du mal à gérer, apprendre et accepter les codes.
Mais surtout, Alizée est une jeune fille qui veut être ‘normale ‘.
La normalité… La différence… La particularité… Un sujet bien vaste. Ceux qui en sont touchés, comprennent, ceux qui ne connaissent pas, soit s’intéressent et acceptent, soit ne se sentent pas concernés et ignorent… Et puis il y a ceux qui jugent… sans savoir, à force de préjugés, de ouï-dire…
Dans notre monde, les êtres sont faits de codes créant un moule… Si on ne rentre pas dans le moule, on est différent… Possible… Certainement… Pour autant, la différence est-elle mauvaise ? Ne dit-on pas : il faut de tout pour faire un monde ? Pourquoi Alizée devrait s’adapter, alors que d’autres ne font pas l’effort de la comprendre ?
Avec ce roman, Sarah Morant nomme multitude de différences… Vestimentaires, intellectuelles, physiologiques, familiales, et évidemment psychologiques… Pourquoi certaines sont-elles plus facilement tolérées, acceptées que d’autres ? Et encore, à bien y réfléchir que serait le harcèlement scolaire sans ça… Personnellement, je dirai que la peur face à l’autre est source d’intolérance, de jugement intempestif, de condamnation face à la différence, mais ça n’engage que moi, mes sentiments engendrés par un vécu…
Il y a beaucoup de peur dans ce roman, mais essentiellement celle d’Alizée face à elle-même : la peur de ne pas dire ce qu’il faut, de ne pas se comporter, de ne pas réagir comme il faut. Ce fut un crève-cœur pour moi durant cette lecture tous ces doutes et toutes ses angoisses exacerbées par le jugement et les attentes des autres…
Et puis il y a Zachary… Zachary aime la danse contemporaine, les jeux vidéos, il est solitaire, et renfermé… Est-il différent ? Les populaires du lycée diraient, très certainement, et à l’unanimité : oui ! Est-ce que ça le rend plus fragile ? Oui. Peut-on s’en servir comme bouc émissaire ? Oui. Est-ce que quelqu’un s’insurgerait contre ça ? Non.
À la vérité, Zachary n’est pas différent… c’est juste un adolescent qui cherche sa place sans nécessairement vouloir prendre celle des autres… Est-ce là que réside la différence aujourd’hui ?
Sa plume particulière ouvre les pensées de ses personnages, de manière totalement aléatoire au lecteur, tout en faisant progresser leur histoire. Les pensées d’Alizée, de Zachary, de Blaise se croisent, s’étayent et elles enrichissent toutes les émotions qu’ils partagent et transmettent. Et j’adore ça ! Elle a toujours une analyse du monde adolescent/jeune adulte assez pertinente et contemporaine de notre société, faisant toujours immerger à travers ses histoires les souffrances qu’ils endurent, les différences auxquelles ils se confrontent ou sont eux-mêmes confrontés, et les espoirs auxquels ils aspirent. Des sujets où nombre d’adolescents pourront se reconnaître, et où l’attention des parents peut être pointée.
Dans ce roman, chaque personnage ici a sa particularité dans la société qu’est le lycée, et tous les stéréotypes sont présents : le meneur, la populaire, l’inspirateur, l’observateur, la suiveuse, le geek…
Les derniers dont j’aimerai souligner l’importance dans ce roman, ce sont les parents… Dans ‘L’Asperge’, on a des parents qui doutent, qui sont perdus, qui peuvent avoir des réactions exagérées, incontrôlées (car elles leur seront naturelles, innées comme l’élan face à un enfant qui pleure, mais qui ne souhaite pas être pris dans les bras, quels qu’ils soient), qui blessent (parfois), qui mettent en colère (souvent), qui sont à la fois exigeants et compréhensifs, qui doivent apprendre à gérer quotidien, espoirs, réactions, secrets face à des adolescents dont certains sont en recherche permanente d’acceptation, et d’autres n’en ont cure de l’être… Pour ma part, en tant que parent, j’ai compati avec leurs difficultés, j’ai compris leurs incompréhensions et doutes et j’ai souri avec eux et adoré prendre part à leurs instants de bonheur partagés. Il me semble bien avoir vécu certaines des situations racontées personnellement. Et si certaines m’ont faites sourire, d’autres évidemment moins. Mais ce fut bon de me les rappeler. J’ai lu dans ce roman beaucoup de réalisme et d’amour.
Pour conclure, je dirai que dans ce roman le côté médical reste très superficiellement mentionné, mais on est là dans une romance et non dans un article du quotidien ‘Santé ‘. Personnellement, c’est toute l’émotion véhiculée par Sarah Morant qui m’a embarquée ! Que l’on soit parent ou adolescent, concerné ou pas, on ne peut qu’être attendri, et peut-être qu’à travers cette romance, on pourra regarder la différence comme une particularité et non un défaut. En tout cas, je l’espère.
Alexia
